La loi du 5 août est extrêmement contraignante et liberticide sur bien des plans. Les incertitudes sur son domaine d’application sont encore trop importantes : quels établissements, quels postes sont concernés ? L’obligation vaccinale concerne certains postes ou secteurs. Mais pas les services publics accueillant du public, ni les personnels de l’éducation nationale, ni les forces de l’ordre qui pourtant ont pour mission de contrôler l’application de ces mesures…Cette loi, comme de nombreuses mesures prises par le gouvernement, est illogique.
Ceci est d’autant plus incompréhensible que le gouvernement a imposé il y a peu à ces mêmes salariés de venir sur leur poste de travail, même s’ils étaient positifs au Covid (et asymptomatiques) ou cas contacts. Aujourd’hui, ces mêmes personnels n’ont pas le droit de rentrer dans leurs établissements s’ils n’ont pas été vaccinés !
La CGT 66 dénonce cette loi dont l’application divise les salariés et met une tension inacceptable dans le monde du travail et en demande le retrait. Nous avons d’ailleurs écrit en ce sens au préfet dès le 1er septembre.
Alors que les suspensions se multiplient, la CGT 66 organise la défense des salarié.es avec son pôle juridique pour répondre au mieux à toutes les sollicitations.
Loi du 5 août
Cet été aura été marqué par l’allocution de Macron du 12 juillet annonçant de nouvelles mesures autoritaires dans le cadre de la crise sanitaire, période d’exception prolongée régulièrement depuis maintenant 1 an et demi. Alors même que la vaccination a été ouverte sans conditions depuis le 31 mai, avec des prises de rendez-vous parfois très compliquées, repoussant de plusieurs semaines, dans certains endroits, la première injection, le gouvernement décidait de poser des échéances et de sanctionner au lieu de prendre du temps pour convaincre. Les délais d’application des mesures montrent une volonté d’aller au pas de course dans la vaccination forcée, alors même que de nombreux pays, pourtant confrontés eux aussi à la pandémie, faisaient le choix d’inciter leurs concitoyen·nes à être vaccinés.
Cette précipitation fait suite à des mois de gestion catastrophique de la crise sanitaire, aux déclarations contradictoires, à l’amateurisme et au mépris de nos dirigeants, aux difficultés d’approvisionnement, aux conséquences d’une politique d’austérité dans la gestion hospitalière et de la Santé qui a conduit à un manque de moyens et de personnel dramatique.
Dans ce dossier, nous vous proposons un aperçu des principaux éléments de la loi, avec un regard syndical et juridique pour vous apporter des outils dans votre accompagnement militant de salarié·es. Nous remercions nos avocats partenaires qui nous ont apporté leur analyse « à chaud ».
La loi n°2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire prévoit l’obligation vaccinale des personnes travaillant dans les secteurs sanitaire, social et médico-social, ainsi que de la mise en place du « passe sanitaire » pour permettre l’accès à certains lieux, loisirs et évènements ouverts au public. Le Conseil constitutionnel, par sa décision n° 2021-824 DC du 5 août 2021, a jugé conforme à la Constitution la majeure partie des dispositions prévues par cette loi, et notamment celles concernant l’obligation vaccinale et le passe sanitaire.
Quels sont les salariés concernés par l’obligation vaccinale ? (Art 12 de la loi)
Doivent être vaccinés, sauf contre-indication médicale reconnue, contre la Covid-19, les personnels des secteurs sanitaires, social et médico-social, les professionnels de santé, les étudiants de ces formations, les professionnels employés par un particulier employeur effectuant des interventions au domicile, les sapeurs-pompiers, les salariés du transport sanitaire, et de distribution de matériels médicaux (pour le détail cf note DLAJ Fédération santé et organismes sociaux).
Dans quels cas les salariés et les agents publics des établissements concernés ne sont pas soumis à l’obligation vaccinale ?
A compter du 15 septembre 2021, les salariés et agents publics ne sont pas soumis à l’obligation vaccinale s’ils peuvent présenter soit le certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19 soit un certificat médical de contre-indication à la vaccination.
A compter du 15 septembre et jusqu’au 15 octobre 2021 :
Les salariés et agents publics concernés ne peuvent plus exercer leur activité s’ils n’ont pas présenté le certificat de statut vaccinal complet avec le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises ou un justificatif de l’administration d’au moins une des doses requises et sous réserve de présenter le résultat, de l’examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la Covid-19 ou un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19 ou un certificat médical de contre-indication à la vaccination.
A compter du 16 octobre 2021 :
Les salariés et agents publics concernés ne peuvent plus exercer leur activité s’ils n’ont pas présenté :
– le certificat de statut vaccinal complet avec le justificatif de l’administration des doses de vaccins requises ou
– un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la Covid-19 ou
– un certificat médical de contre-indication à la vaccination.
Attention, l’ensemble de ces dispositions ne s’appliquent pas : aux salariés et agents publics qui exercent des tâches ponctuelles ou dont le contrat se trouve suspendu ou qui n’exercent pas leur activité à la date du 15 septembre (maladie, maternité, formation,..) et qui n’ont pas repris leur activité professionnelle. Ces dispositions ne s’appliqueront qu’à la reprise réelle de fonction.
Qui contrôle ? Les personnes justifient avoir satisfait à l’obligation vaccinale ou ne pas y être soumises auprès de leur employeur lorsqu’elles sont salariées ou agents publics.
Les personnes peuvent transmettre le certificat de rétablissement ou le certificat médical de contre indication au médecin du travail compétent, qui informe l’employeur, sans délai, de la satisfaction à
l’obligation vaccinale avec, le cas échéant, le terme de validité du certificat transmis.
Le passe sanitaire
Les lieux concernés par l’obligation de détenir un passe sanitaire sont les lieux d’activités et de loisirs ; lieux de convivialité ; les transports ; les grands centres commerciaux.
Les usagers ou clients de ces lieux sont soumis au passe sanitaire depuis le 9 août.
À compter du 30 août 2021, les salariés, bénévoles, prestataires, intérimaires, sous-traitants qui interviennent dans les établissements où il est demandé aux usagers sont concernés par l’obligation de présentation du passe sanitaire, sauf lorsque leur activité se déroule dans des espaces non accessibles au public (ex : bureaux) et en dehors des horaires d’ouverture au public.
Les personnels effectuant des livraisons ne sont pas soumis à l’obligation du passe sanitaire ainsi que ceux effectuant des interventions d’urgence.
Les obligations de l’employeur si les salariés ne remplissent pas les conditions pour travailler
Lorsque le salarié ne présente pas son passe sanitaire après trois jours travaillés, l’employeur convoque le salarié à un entretien afin d’examiner avec lui les moyens de régulariser sa situation, notamment les possibilités d’affectation, même temporaire, au sein de l’entreprise sur un autre poste non soumis à cette obligation.
La question pourra se poser de l’étendue de cette obligation : s’agit-il d’une obligation simple (de moyens) ou renforcée ?
Si aucune autre affectation n’est possible, l’employeur informe sans délai le salarié des conséquences qu’emporte cette interdiction d’exercer sur son emploi ainsi que des moyens de régulariser sa situation. Le salarié qui fait l’objet d’une interdiction d’exercer peut utiliser, avec l’accord de son employeur, des jours de repos conventionnels ou des jours de congés payés. A défaut, son contrat de travail est suspendu. La suspension, qui s’accompagne de l’interruption du versement de la rémunération, prend fin dès que le salarié remplit les conditions nécessaires à l’exercice de son activité. Elle ne peut être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés ainsi que pour les droits légaux ou conventionnels acquis par le salarié au titre de son ancienneté.
Lorsque le contrat à durée déterminée d’un salarié est suspendu, le contrat prend fin au terme prévu si ce dernier intervient au cours de la période de suspension.
La consultation du CSE dans le secteur privé :
Par dérogation, dans les entreprises et établissements d’au moins 50 salariés, l’employeur doit informer, sans délai et par tout moyen, le CSE des mesures de contrôle résultant de la mise en œuvre des obligations du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale des salariés. Toutefois, l’avis du CSE peut intervenir après que l’employeur ait mis en œuvre ces mesures, au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la communication par l’employeur des informations sur ces mesures.
Dans la fonction publique hospitalière, même si la loi est silencieuse sur la consultation du CTE et CHSCT, il est vivement recommandé de demander une réunion extraordinaire du CTE et du CHSCT sur la mise en place de ces mesures au regard de ce qui est prévu.
L’information et consultation du CSE sur le contrôle du Passe sanitaire a pour objectif principal de préciser :
- La détermination des salariés dans l’établissement soumis à l’obligation de disposer d’un « Passe sanitaire » ou d’une vaccination complète pour le secteur médico-social;
- La détermination des salariés qui assureront le contrôle des pièces justificatives ;
Le protocole sanitaire en entreprise insiste sur le fait que « les employeurs doivent porter une attention particulière aux salariés chargés de vérifier la validité du passe sanitaire en adaptant en tant que de besoin l’évaluation des risques aux difficultés spécifiques liées à cette activité et en apportant à ces salariés l’accompagnement adapté pour faire face aux difficultés éventuelles. Ces mesures sont prises dans le cadre habituel fixé par l’article L.4121-3 du code du travail ».
Il s’agit donc de prendre en compte les difficultés que peuvent rencontrer ces salariés dans l’exercice de ce contrôle.
- Les modalités des contrôles du public, des usagers et du personnel ;
Il convient de préciser les outils mis à disposition pour assurer ces contrôles, tel l’usage de smartphone pour la lecture des QR Code (téléphone professionnel / personnel).
Pour le contrôle du personnel, l’employeur ne pouvant pas conserver le QR Code, un dispositif de conservation du résultat de l’opération de vérification doit être mis en place.
Pas de passe sanitaire dans le cadre d’une activité syndicale : Le passe sanitaire ne peut pas être exigé pour exercer une activité syndicale et accéder aux locaux syndicaux dans un établissement public ou privé (Décision 2021-824 du Conseil constitutionnel du 5 août 2021)
Et après le 15 novembre ?
L’obligation de présenter un passe sanitaire est prévue jusqu’au 15 novembre. Les suspensions qui pourraient être prononcées par les employeurs pour ce motif prendront fin à cette date. Si elle n’est pas repoussée, comme certains membres du gouvernement le laissent entendre.
Les salariés suspendus seront réintégrés le 16 novembre.
Un employeur peut-il licencier un salarié qui ne présente pas de passe ou n’est pas vacciné si la vaccination est obligatoire ?
La loi du 5 août n’a pas repris la proposition initiale du gouvernement qui permettait un licenciement pour faute.
On peut s’interroger sur les possibilités pour un employeur de procéder au licenciement d’un salarié qui ne régulariserait pas sa situation. On trouve la réponse suivante ou plutôt l’absence de réponse sur le site du ministère : « À l’issue et dans le cas d’une situation de blocage persistante, les procédures de droit commun concernant les contrats de travail peuvent s’appliquer. » On peut dire que le ministère dit aux employeurs : « débrouillez vous »…
Il pourrait alors se tourner vers un licenciement pour inaptitude, mais le médecin du travail ne peut être saisi qu’après un arrêt de travail de 30 jours, et il n’est pas certain qu’un médecin du travail accepterait de se lancer dans cette procédure pour des salariés en bonne santé mais qui ne peuvent en réalité tenir leurs fonctions que pour un motif de non détention d’une habilitation administrative.
Par contre, et notamment si les contraintes sont prolongées au-delà du 15 novembre, l’employeur pourrait finir par licencier pour motif non disciplinaire un salarié dont l’absence prolongée cause une grave désorganisation à l’entreprise, et nécessite son remplacement définitif.
Dans ce cadre, comme en cas de licenciement pour inaptitude, le salarié perçoit les indemnités de licenciement.
Toutes les questions réponses : https://www.cgt.fr/actualites/france/interprofessionnel/legislation/questionsreponses-passe-sanitaire-et-vaccination-obligatoire
Le lien vers les textes officiels : https://travail-emploi.gouv.fr/le-ministere-en-action/coronavirus-covid-19/questions-reponses-par-theme/article/obligation-de-vaccination-ou-de-detenir-un-pass-sanitaire-pour-certaines
Zoom : le passe sanitaire en médiathèques
Depuis le 9 août, le passe sanitaire est exigé à l’entrée des médiathèques.
Les bibliothécaires se sont élevé-es contre cette mesure qui s’oppose totalement aux missions et aux compétences du personnel de ces établissements.
Depuis de nombreuses années, les bibliothécaires travaillent à ouvrir les médiathèques à tous les publics en multipliant les actions envers les établissements scolaires, les institutions, les personnes en situation de handicap etc…
La vocation des médiathèques est d’être un » troisième lieu » : le premier lieu étant le domicile et le deuxième, le travail ; le troisième lieu est cet endroit que l’on fréquente sur son temps libre pour rencontrer d’autres personnes, se divertir ou se cultiver.
Tous les publics viennent à la médiathèque pour flâner, se rencontrer, partager autour d’un atelier, d’une conférence, d’un concert..
A l’heure de la société du tout numérique, les médiathèques travaillent à réduire les inégalités et proposent une assistance à toutes les personnes qui se trouvent en difficulté devant cet outil. Le passe sanitaire prive ainsi une grande partie de la population du seul service qui lui permettait de ne pas se sentir exclue
En obligeant les bibliothécaires à des organisations adaptées aux mesures sanitaires en perpétuel changement, la crise sanitaire avait déjà mis à mal ce service public que le passe sanitaire détruit un peu plus chaque jour.
Le passe sanitaire oblige les personnels dont ce n’est pas le métier à contrôler le public, à pratiquer une discrimination entre détenteurs et détentrices du passe et celles et ceux qui ne l’ont pas.
Les médiathèques sont un bien public et un bien commun qui, depuis le 9 août n’appartient plus aux citoyens qui sont pourtant tous imposés afin de faire fonctionner leur services publics.
Malgré les grèves dans de nombreuses médiathèques un peu partout en France, le passe sanitaire levé aujourd’hui dans toutes les grandes surfaces commerciales reste exigible à la porte des médiathèques et continue à creuser le fossé social.